Si vous ne le saviez pas, le populaire… non, populiste animateur de radio Jeff Fillion faisait, pendant la campagne, du chantage émotif. Il annonçait que si le PQ était élu, il déménageait. Ses détracteurs, dont moi, se sont fait un plaisir de souhaiter ouvertement un gouvernement péquiste pour qu’il tienne sa promesse. Il n’y a rien de confirmé pour l’instant, mais il semblerait qu’il fait ses boites…
Il a annoncé sur Twitter que d’ici trois semaines, toutes ses compagnies seront fiscalement ailleurs :
J’espère vraiment pour lui qu’il va déménager physiquement aussi, parce c’est bien certain qu’il va sans cesse se le faire remettre sur le nez. Il n’y a rien d’illégal là-dedans à ce que je sache, mais au niveau éthique, c’est plutôt discutable. C’est de la « douce » évasion fiscale, ‘mettons.
Sinon, en réaction à la joie de beaucoup de gens devant son éventuel déménagement, quelqu’un disait que nous devrions « allumer », que son départ « veut juste dire moins d’impôt et de taxes dans nos coffres. » Ce à quoi je réponds qu’il est bien libre de faire ce qu’il veut et que je ne crois pas que son chantage, mis à part ceux qui boivent ses paroles comme s’il était le messie, a eu quelconque incidence sur le choix de vote des Québécois. Enfin, j’espère. Et s’il en a eu, c’est noyé dans cette optique paranoïaque, gonflée surtout par Jean Charest, que l’élection du PQ serait tout bonnement la fin du monde, enfin de son monde (ce qui a été finalement le cas, effectivement, avec sa défaite dans Sherbrooke et sa démission).
Mais je vais bifurquer un peu. Je ne comprends vraiment pas le pourquoi de ce sentiment de panique du côté de la droite et des fédéralistes devant l’éventualité d’un gouvernement péquiste. Si je me souviens bien, cela n’a aucune mesure avec la situation lors des dernières élections où le PQ a pris le pouvoir. Et on s’entend qu’on niveau du bilan, le PQ n’a pas fait pire que le PLQ… Et si on regarde juste le sujet de la souveraineté, l’ambiance n’était pas aussi extrême lors du dernier référendum en 1995. Là il y avait une issue possiblement grave pour les fédéralistes et les droitistes convaincus que la souveraineté du Québec serait une catastrophe économique. À ce que je sache, cette dernière élection était loin d’être une élection référendaire, même si les médias et le PLQ et la CAQ ont tenté de le faire croire. Alors, pourquoi tout ce gonflement, cette diabolisation?
Une partie de l’explication pourrait se trouver du côté des médias sociaux et de notre époque d’« hyperinformativité », là où il y a de moins en moins de filtres médiatiques (dans son sens traditionnel) entre les personnes et une offre massive d’informations. Peut-être que cela nous donnerait globalement une impression plus fine de l’humeur ambiante, parce qu’il y a maintenant un écho qui n’existait pas auparavant (et ceux qui pensent qu’il est impossible que cela ait pu gonfler le délire de Richard Henry Bain sont vraiment dans le champ). Sinon, tout ce que je pense me fait tomber dans la théorie de la conspiration, une théorie toute québécoise ayant de beaux liens avec le Canada…
Quoi qu’il en soit, Jeff Fillion n’a pas été le seul à faire du chantage émotif, beaucoup d’anglophones l’ont fait. Et aujourd’hui, même devant un PQ minoritaire où les autres partis souverainistes n’ont pas réussi à prendre la balance du pouvoir, l’humeur est au déménagement pour beaucoup de monde. Je respecte ce possible choix, mais je ne peux pas m’empêcher de le trouver incompréhensible dans le contexte. Pendant les neuf ans de pouvoir du Parti libéral, les électeurs perdants ont pris leur trou, je n’ai jamais entendu parler de ce genre de chantage émotif.
Bon, j’ai moi-même écrit que je songeais sérieusement à partir dans le cas où le PLQ était reconduit au pouvoir, et ce, pendant la crise étudiante. Mais désolé, je ne pourrai jamais mettre sur le même pied d’égalité un gouvernement corrompu qui frappe sur ses jeunes et un gouvernement qui veut protéger le français (pas organiser un « anglocide ») et peut-être (un gros peut-être avec des lumières qui clignotent) faire du Québec un pays souverain, un processus démocratique normal dans le monde. Et pour ce qui est de la donnée économique, pour ce qui est de la peur des droitistes, le PQ n’est quand même pas QS… même si oui il veut imposer un peu plus les plus riches.
Bon, je l’ai trouvé, c’est ça la fin du monde.
